Actualités (2013-2024) | 2014

Utopiser le monde

Vendredi 6 et samedi 7 juin, Journées d'étude

Utopiser le monde

L’utopie est un des lieux privilégiés où s’exerce l’imagination sociale. Après avoir raconté les rêves politiques, tout au long du XXe siècle, elle a souvent été rangée du côté des cauchemars réalisés. En 1932, Aldous Huxley choisit comme épigraphe pour le Meilleur des Mondes une phrase écrite par Nicolas Berdiaeff quelques années auparavant : « Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ? ... Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique moins ‘parfaite’ et plus libre ». Dans les décennies suivantes, les illusions de « nouvelles terres » ont pris de plus en plus l’allure d’un « nouvel enfer ».

Soixante ans plus tard, lorsque l’idée communiste semble se décliner désormais au passé, François Furet aborde la question de la perte des illusions. Après s’être interrogé sur les raisons pour lesquelles un grand nombre de personnes ont été séduites par « le charme universel d’octobre », il note : ainsi « le communisme se termine-t-il dans une sorte de néant ». Ce qui est mort, avec l’Union soviétique, ne serait pas un régime, mais l’imagination moderne en matière de bonheur social. L’idée même d’une autre société lui semble désormais épuisée : « Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons », écrit-il dans l’épilogue. Et pourtant, quelques lignes plus tard, il remarque l’impossibilité de vivre sans utopie : « C’est une condition trop austère et trop contraire à l’esprit des sociétés modernes pour qu’elle puisse durer ». Aujourd’hui, l’ambivalence profonde qui imprègne ces pages demeure intacte. On aimerait l’interroger de trois manières.

Tout d’abord, à travers l’analyse de quelque parcours biographiques, qui, de manière différente, ont connu le désir d’utopie ainsi que la déception utopique : outre celui de Furet lui-même, ceux de Cornelius Castoriadis et d’Italo Calvino.

Il s’agira, ensuite, de revenir sur le degré de réalisme de l’utopie. Celle-ci est-elle un simple acte d’imagination, un « pas de côté », ou bien une forme de pression sur la réalité ? Peut-on détacher l’impulsion utopique des « réalisations »  historiques ? Bien évidemment, ces questions renvoient à celle qui a traversé tout le XXe siècle, dans son va et vient entre utopie et dystopie : n’y a-t-il pas un point à partir duquel l’identification de l’utopie au totalitarisme devient abusive ? Jusqu’où, à l’inverse, peut-on valoriser le potentiel critique et exploratoire de l’utopie comme fiction du possible ?

Enfin, nous aimerions nous interroger sur l’état actuel des propositions et des pratiques utopistes. Plusieurs années après la chute du mur de Berlin, y-a-t-il une reviviscence de la pensée utopique ? Le cas échéant, quels sont les lieux de l’utopie, dans le sens d’endroits et de thèmes privilégiés ? Et quels rapports les nouvelles utopies entretiennent-t-elles avec les vieilles utopies ? D’autres questions importantes concernent la nature de la pensée utopique actuelle. Avons nous affaire à une nostalgie de l’utopie (pour un passé capable de produire des projets alternatifs au réel) ou bien à des imaginaires tournés vers le futur ? Les nouvelles expériences utopiques ont-elles une visée universaliste ou, au contraire, privilégient-elles une dimension micro, « communautaire » ?

Programme

Lieu :

Faculté libre de théologie
Amphithéâtre
83, boulevard Arargo
75013 Paris

Rubriques à consulter

cnrs
ehess

flux rss  Actualités

L'historien sur le métier : conversations avec Carlo Ginzburg

Colloque - Vendredi 9 septembre 2022 - 09:00Depuis une cinquantaine d'années (la première édition de I Benedanti remonte à 1966), l'œuvre de Carlo Ginzburg ne cesse de bouleverser le métier de l'historien en lui offrant un nouveau plan d'enquête (la micro-histoire), une série de nouveaux concepts (le paradigme indiciaire entre autres), de nouveaux objets et de nouvelles inquiétudes. Ses enquêtes ont contribué à redistribuer les lignes de partage entre histoire et sciences humaines (anthropol(...)

Lire la suite

"Croire en l'histoire ?"

Table ronde - Samedi 20 novembre 2021 - 10:00Du 18 au 21 novembre se déroule à Marseille la 28è édition des recontres d'Averroès, événement invitant un large public à penser la Méditerranée des deux rives. Avec un thème différent chaque année, quatre tables rondesjalonnent les quatre jours de la manifestation, dont le programme est enrichi de différents formats (tables rondes, concerts, spectacles, lectures) en résonance avec.  le thème.Dans le cadre de l'édition  2021 sur le thème "Croyance(...)

Lire la suite

Autour de l'ouvrage d'Antoine Lilti

Débat - Lundi 3 février 2020 - 14:00Les Lumières sont souvent invoquées dans l’espace public comme un combat contre l’obscurantisme, combat qu’il s’agirait seulement de réactualiser. Des lectures, totalisantes et souvent caricaturales, les associent au culte du Progrès, au libéralisme politique et à un universalisme désincarné.Or, comme le montre ici Antoine Lilti, les Lumières n’ont pas proposé une doctrine philosophique cohérente ou un projet politique commun. En confrontant des auteurs em(...)

Lire la suite

EHESS
CRH - GEHM
54, boulevard Raspail
75006 Paris, France
Tél. : 33 (0)1 49 54 25 74

Pôle Gestion :
gilles.aissi (a) ehess.fr

Pôle Comm :
nadja.vuckovic(a) ehess.fr
 

Dernière modification :
17/04/2024