Actualités | 2014
Utopiser le monde
Vendredi 6 et samedi 7 juin, Journées d'étude
L’utopie est un des lieux privilégiés où s’exerce l’imagination sociale. Après avoir raconté les rêves politiques, tout au long du XXe siècle, elle a souvent été rangée du côté des cauchemars réalisés. En 1932, Aldous Huxley choisit comme épigraphe pour le Meilleur des Mondes une phrase écrite par Nicolas Berdiaeff quelques années auparavant : « Les utopies apparaissent comme bien plus réalisables qu’on ne le croyait autrefois. Et nous nous trouvons actuellement devant une question bien autrement angoissante : comment éviter leur réalisation définitive ? ... Les utopies sont réalisables. La vie marche vers les utopies. Et peut-être un siècle nouveau commence-t-il, un siècle où les intellectuels et la classe cultivée rêveront aux moyens d’éviter les utopies et de retourner à une société non utopique moins ‘parfaite’ et plus libre ». Dans les décennies suivantes, les illusions de « nouvelles terres » ont pris de plus en plus l’allure d’un « nouvel enfer ».
Soixante ans plus tard, lorsque l’idée communiste semble se décliner désormais au passé, François Furet aborde la question de la perte des illusions. Après s’être interrogé sur les raisons pour lesquelles un grand nombre de personnes ont été séduites par « le charme universel d’octobre », il note : ainsi « le communisme se termine-t-il dans une sorte de néant ». Ce qui est mort, avec l’Union soviétique, ne serait pas un régime, mais l’imagination moderne en matière de bonheur social. L’idée même d’une autre société lui semble désormais épuisée : « Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons », écrit-il dans l’épilogue. Et pourtant, quelques lignes plus tard, il remarque l’impossibilité de vivre sans utopie : « C’est une condition trop austère et trop contraire à l’esprit des sociétés modernes pour qu’elle puisse durer ». Aujourd’hui, l’ambivalence profonde qui imprègne ces pages demeure intacte. On aimerait l’interroger de trois manières.
Tout d’abord, à travers l’analyse de quelque parcours biographiques, qui, de manière différente, ont connu le désir d’utopie ainsi que la déception utopique : outre celui de Furet lui-même, ceux de Cornelius Castoriadis et d’Italo Calvino.
Il s’agira, ensuite, de revenir sur le degré de réalisme de l’utopie. Celle-ci est-elle un simple acte d’imagination, un « pas de côté », ou bien une forme de pression sur la réalité ? Peut-on détacher l’impulsion utopique des « réalisations » historiques ? Bien évidemment, ces questions renvoient à celle qui a traversé tout le XXe siècle, dans son va et vient entre utopie et dystopie : n’y a-t-il pas un point à partir duquel l’identification de l’utopie au totalitarisme devient abusive ? Jusqu’où, à l’inverse, peut-on valoriser le potentiel critique et exploratoire de l’utopie comme fiction du possible ?
Enfin, nous aimerions nous interroger sur l’état actuel des propositions et des pratiques utopistes. Plusieurs années après la chute du mur de Berlin, y-a-t-il une reviviscence de la pensée utopique ? Le cas échéant, quels sont les lieux de l’utopie, dans le sens d’endroits et de thèmes privilégiés ? Et quels rapports les nouvelles utopies entretiennent-t-elles avec les vieilles utopies ? D’autres questions importantes concernent la nature de la pensée utopique actuelle. Avons nous affaire à une nostalgie de l’utopie (pour un passé capable de produire des projets alternatifs au réel) ou bien à des imaginaires tournés vers le futur ? Les nouvelles expériences utopiques ont-elles une visée universaliste ou, au contraire, privilégient-elles une dimension micro, « communautaire » ?
Lieu :
Faculté libre de théologie
Amphithéâtre
83, boulevard Arargo
75013 Paris
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Dernière modification :
30/03/2021